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la 2nde offensive de Champagne

Cette seconde bataille, de grande envergure, s'inscrit dans un contexte stratégique d'une guerre européenne totale: il s'agit d'attaquer pour obliger l'Allemagne à maintenir des effectifs importants à l'Ouest et de soulager ainsi le front russe pour aider l'allié slave ; par cette action, on entend aussi convaincre certains pays encore neutres d'entrer en guerre aux côtés de l'Entente. Enfin, Joffre pense que reprendre l'initiative sur le champ de bataille est bon pour le moral des troupes, très affecté par les combats stériles. Il « invita les soldats à ne laisser à l'ennemi, ni trêve ni repos jusqu'à l'achèvement de la victoire ».

On retient la date du 25 septembre pour lancer l'offensive : Foch est chargé de lancer simultanément une offensive en Artois. En Champagne, Pétain attaque sur un front de 37 kilomètres avec « un puissant matraquage d'artillerie ». Ceci explique que les poilus de Bédée engagés tombent dans un périmètre plus large qu'en début d'année. Ils évoluent dans un paysage uniforme(donc libre de tout obstacle), crayeux, interrompu par quelques dépressions et de nombreux bois de pin. En un mois, 9 de Bédée tombent lors des assauts ; les Allemands ont, depuis le printemps, largement renforcé leurs lignes défensives. Le carnage est inévitable. 3 Bédéens meurent lors des assauts répétés des 3 premiers jours.

 

A 9h15, le 25, l'ordre d'attaque est donné : troupes d'élite et régiments marocains sont en 1ère ligne. Ces derniers participent toujours aux opérations les plus périlleuses ; LOUIS GREGOIRE, caporal, appartient au 3è régiment de zouaves. Cette fois-ci, lui et ses compagnons partent casqués. P. Miquel rapporte que les zouaves « sans peur et sans pitié attaquent au clairon, la musette gonflée de grenades, le couteau à la ceinture des nettoyeurs de tranchée. La tranchée d'Iena, le boyau du Danube sont enlevés. Les prisonniers désarmés sont laissés à l'arrière sans que personne ne s'en occupe. Les zouaves enlèvent une batterie d'artillerie... se retrouvent en flèche, harassés par les contre-attaques, bombardés par le feu incessant. Quand ils repartent au repos aux portes de Paris sans avoir pu « rectifier le front », ils ont de nouveau perdu la moitié des effectifs ». Parmi eux, Louis GREGOIRE porté disparu au combat le premier jour de l'offensive.

 

 ISIDORE RENE (124è RI) meurt également le premier jour de l'offensive, ce qui montre le carnage de cette bataille, cependant ils partent tous avec un « allant superbe » en même temps que les zouaves. Il fait partie de la 1ère des trois vagues qui s'élancent vers les tranchées allemandes : elle n'est pas arrivée aux fils de fer ennemis qu'elle est prise sous le feu de la mitailleuse... Elle franchit le réseau par deux brèches »(JMO) ; « des corps à corps s'engagent mais bientôt les français sont massacrés par le Boche qui disposent de puissants engins de mort »(Historique) ; en effet les tranchées « sont empestées par les gaz lacrymogènes ; beaucoup d'hommes sont intoxiqués malgré leur masque protecteur » (Historique). La 9è Compagnie (celle de GREGOIRE) et la 10è reçoivent l'appui des la 2è vague à 9h20 et de la 3è à 9h30. Pour autant, la journée vire au cauchemar : de la 9è et 10è, à 10h30, il ne reste que des « débris » ; le corps d'Isidore RENE est retrouvé de nuit et est ensuite enterré par des prisonniers. 450 hommes sont tués, blessés ou disparus ce jour.

 

ERNEST RONSIN du 146è meurt le 27 septembre : son régiment est à l'offensive pour prendre le fortin de Beauséjour, aménagé par les Allemands depuis l'année précédente, mais rapidement la confusion est générale : « les compagnies, les régiments sont mélangés, les cadres manquent » (JMO).Suite à des tirs français et allemands sur la ferme de Beauséjour, celle-ci disparaît avec le corps d' ERNEST RONSIN. Le fortin est définitivement repris mais c'est une maigre consolation car le front n'est toujours pas enfoncé et déjà, l'artillerie donne des signes de faiblesse. Encore une fois... Joffre envoie des renforts à Pétain mais sur le terrain, les troupes sont décimées ; l'hécatombe continue.

 

Le 5 octobre, 2 jours avant l'arrêt des offensives, c'est au tour d' ALPHONSE BLOUTIN du 130è de perdre la vie. Il meurt à l'épine de Vedegrange, un observatoire, un lieu stratégique tenu par les allemands depuis la fin 1914. Pendant un an, les français tentent de s'emparer de l'épine, sans succès. Au moment de cette grande offensive du 25 septembre, l'épine de Vedegrange est un objet de premier ordre. Alphonse BLOUTIN participe à l'attaque avec le reste de la 36e DI avec succès, puisque l'épine est prise et le régiment s'emploie à consolider ses positions pour des « travaux d'organisations définitifs » (JMO du 1er octobre). Le 5 octobre, BLOUTIN est tué alors que le JMO met en avant « une journée relativement calme ». Il fait partie des 11 soldats de troupes tombés ce jour lors d'une attaque prévue en 4 phases. Ses compagnons n'auront guère plus de chance puisque le lendemain « le régiment attaque à nouveau, mais le tir meurtrier de l'ennemi l'arrête devant des réseaux intacts de fils de fer et il doit regagner ses positions de départ ».

 

Si l'offensive n'est plus de mise, pour autant, on meurt encore en Champagne : une semaine après Alphonse Bloutin, PIERRE CHAUVIN, passé au 71èRI, tombe au Nord de Souain, sur une crête boueuse, la côte 193. A partir du 1er octobre, il y a « des échanges de pétards aux postes d'écoute » rapporte un JMO. La semaine qui précède sa mort, deux groupes de renforts arrivent avec plus de 111 hommes, ce qui démontre l'ampleur de cette bataille. D'autres bédéens viennent grossir les rangs des sacrifiés : le 25 octobre est un jour sombre pour Bédée : EUGENE MAUDET ET EUGENE PICHON sont tués dans le secteur de Tahure, un village situé au nord-ouest de Massiges et occupé par les troupes allemandes à partir du 03 septembre 1914 ne laissant pas d'autres choix à la population que de fuir. Le 25 octobre 1915, le 120è RI est placé sous les ordres du 64è. A 22h ils s'engagent dans l'attaque des tranchées ennemies. Cette bataille est malheureusement « un échec malgré l'élan et la bravoure des soldats » (JMO du 25 octobre 1915). Il est également mentionné que « les pertes sont sensibles » avec la disparition de Maudet et Pichon , tués à l'ennemi.

 

Dernier sacrifié de l'année : EMMANUEL DENIEUL, un soldat volontaire du 37è régiment d'infanterie coloniale de marche. Evacué du front en mai, il est remonté au front en juillet et participe à l'offensive du 25 septembre dans le secteur de Tahure ; en novembre, son régiment prend position dans un secteur emblématique de la bataille de Champagne, la Main de Massiges. Une « lutte d'engins de tranchées » (artillerie) s'engage alors ; le régiment reçoit l'ordre de passer à l'attaque en décembre « avec émission de gaz »(Historique) mais l'opération est annulée en raison des conditions météorologiques. Le 37è quitte se secteur entre le 19 et 23 décembre … sans Emmanuel Denieul « tué à l'ennemi » le 17 décembre. Il est le dernier soldat de Bédée à tomber en cette terrible année 1915.

 

14 Bédéens sont tombés au champ d'honneur en Champagne en 1915. Cette année de guerre a anéanti les dernières illusions des poilus ; les troupes s'interrogent sur cette guerre qui « fait sacrifier sans résultat des milliers de vies humaines » (témoignage d'un officier d'infanterie de carrière cité par JJ Becker « La Grande Guerre ». Mais il n'y a pas de place dans cette guerre pour les états d'âme. On ne connaît pas d'exemples de Bédéens « fusillés pour l'exemple » mais on sait qu'à quelques mètres d'eux, des hommes sont morts, exécutés pour avoir refusé de sortir des tranchées. L'exemple le plus connu reste celui des « 4 caporaux de Souain ». Georges Clémenceau affirmait qu' « il suffit d'ajouter « militaire » à un mot pour lui faire perdre sa signification. Ainsi, la justice militaire n'est pas la justice, la musique militaire n'est pas la musique ».

                                                                                                                                                Zia, Margaux

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