top of page

La contre-offensive des Alliés

Si à plusieurs reprises la victoire allemande est apparue presque assurée au début du printemps 1918, l'échec final des offensives allemandes de la fin du printemps et du 15 juillet est complet. Démoralisées par de lourdes pertes et le manque de ravitaillement, tant humain que matériel, les troupes impériales sont épuisées. Il n'y a pas eu de victoire décisive remportée sur les Français ou les Anglais alors que les troupes américaines débarquent désormais massivement.

On estime qu'au 1er juillet le rapport de forces s'est inversé avec la présence de 785 000 soldats américains. Le sens de la guerre change, les Alliés peuvent désormais contre-attaquer. C'est ce que font les Français le 18 juillet, renforcés de trois divisions américaines.

Le bédéen François ROULLE prend part avec le 69è Régiment d'Infanterie à la vaste contre-offensive alliée en direction de Soissons. La veille, chacun des trois bataillons a reçu l'appui de pelotons de nettoyeurs en place avec les premières lignes. Lancée à 4h35 du matin, l'attaque du 69è a pour mission de s'emparer des hauteurs situées à l'Ouest de Soissons. Après une progression rapide, le régiment est pris sous un tir nourri et meurtrier des mitrailleuses ennemies « au pied des pentes Â». Abrités dans les anciennes carrières de calcaire , les Allemands opposent une farouche résistance. Malgré tout, vers 19h, « on aperçoit des Français sur la crête... l'ennemi commence à évacuer. On entend plus les mitrailleuses. Â»(JMO). A 22h30, on est maître de cette hauteur. Le bilan est lourd : 80 tués, plus de 200 blessés et 12 intoxiqués dont le valeureux François ROULLE.

Faire son devoir, tenir jusqu'au sacrifice suprême, comme bien d'autres, de Bédée ou d'ailleurs, telles semblent être les motivations de François ROULLE ; son Registre matricule Militaire illustre parfaitement cette abnégation du poilu qui sait pourtant qu'il va à la mort :  Il reçoit les citations suivantes : Â« soldat plein de courage et d'entrain ; a donné le plus bel exemple de l'esprit de devoir en continuant à avancer bien que légèrement intoxiqué ; ou encore ces mentions de blessures : « Ã©vacué pour froidure aux pieds à la fin 1916 Â», « Ã©vacué du front pour intoxication Â» en 1917. Il reçoit la Croix de Guerre avec étoile de bronze.

Pour cette action et parce qu'il a capturé une batterie de 105 et de 77 ainsi que de très nombreuses mitrailleuses, le 69è R.I. est cité à l'ordre de l'Armée, accordant un peu plus tard à ses hommes, le droit et l'honneur de porter la Fourragère aux couleurs de la Croix de Guerre.

 

Léon DENIEUL et le 212è Régiment d'Artillerie entrent aussi en action lors de cette contre-offensive. Le régiment s'est déjà illustré lors de la dernière grande offensive allemande lancée le 15 juillet. L'objectif était de tenir Reims malgré les bombardements allemands et les intoxications nombreuses au gaz. Léon DENIEUL et les cannoniers résistent et répondent au choc. Ne parvenant pas à déborder Reims par l'est, les Allemands se déploient en direction de la Montagne de Reims au sud de la ville ; face à eux, les troupes françaises solidement campées sur la cote 240 et la montagne de Bligny. Léon DENIEUL est 2è cannonier servant. Il répond coup pour coup au feu allemand. « Les batteries du 212è RAC sont prises à partie dès qu'elles ouvrent le feu Â» déplore l'Historique du Régiment le 26-27 juillet. Le 1er août, c'est l'enfer qui attend les artilleurs français et Leon DENIEUL est tué lors de cette « avalanche Â» (Historique) à le ferme d'Heurtebise non loin de la Ville-Dommange. Il meurt à 22h30. Il est possible qu'il soit victime d'une escadrille d'aviation allemande en pleine action « pendant toute la nuit Â» selon l'Historique.

Ce dernier évoque là le dernier « sursaut de la bête» fatal au bédéen. Ensuite, les Allemands reculeront encore et encore sous le feu français, américain, britannique et italien. Sonne l'heure de la contre offensive avec à la clé une vraie coordination interalliée.

 

ALERTE AUX GAZ !

 

 

JOSEPH BRIAND, JEUNE GRENADIER VALEUREUX

Le général en chef des armées interalliées, Ferdinand Foch, se contente dans un premier temps d'offensives dans des secteurs limités du front, visant à réduire les flancs allemands.

C'est notamment le cas dans la Somme, où le 59è Régiment d'Infanterie se prépare à passer à l'offensive. Le soldat Joseph BRIAND ne participera pas à cette assaut car il a été sévèrement gazé dans la Meuse. Il est évacué pour intoxication aux gaz toxiques le 16 août mais le régiment est au repos depuis le 15 ; il est donc probable que cette attaque au gaz a eu lieu dans les jours ou semaines précédents ; le Journal de Marches et Opérations souligne à plusieurs reprises l'action de l'aviation allemande... Il décède à Rouen le 2 septembre 1918, quelques jours avant ses 22 ans...

Joseph BRIAND était un « brigadier d'élite Â» ( Registre matricule militaire). Il s'était illustré brillamment au combat le 8 août 1917 dans l'exécution d'un « coup de main Â». le JMO détaille les faits : Â« sortie du détachement à 22h15. Le groupe saute dans la tranchée ennemie occupée par 4 boches. Le sous-officier Le Borgne saisit un boche à la gorge et un corps-à-corps s'engage. 4 autres viennent au secours de leurs camarades. Les notres dégagent leur chef qui d'ailleurs tue le boche. Violent combat à la grenade. Cris des boches qui ont des tués et des blessés. Nettoyage de la tranchée et des divers abris. Contre-attaque boche à droite et à gauche. Les notres se replient en combattant à la grenade (il est probable que BRIAND ait joué ici un rôle décisif car son Registre matricule souligne qu' « après l'attaque d'un poste et le nettoyage d'abri, il s'est porté au devant des renforts ennemis, les dispersent à coup de grenades Â»). Les boches n'ont pas poursuivi Â».

Le 59è RI de Joseph BRIAND se déporte à la fin août 1918 dans la Somme. Les gaz ont eu raison de cette jeunesse bédéenne... Sombre prédiction puisque le 23 août, moins de huit jours plus tard, ses camarades du 59è subissent un bien curieux tir de barrage. Â« mais qu'est ce donc ce voile qui obscurcit les yeux de ces hommes désorientés et cette odeur ? Â» est-il noté dans l'Historique du régiment. « Ce sont les toxiques, hurlent les officiers surpris les premiers par ces obus nouveaux dont les caractéristiques ont trompé leur vigilance. Alerte aux gaz! Aux masques ! Bientôt, les effets du poison se font sentir[...] 800 hommes et 20 officiers doivent être transportés dans les formations sanitaires, et voilà que le régiment, sans combat, se trouve brusquement réduit de la moitié de son effectif Â».

 

LES MALADIES, UN FLEAU.

Outre le risque chimique, le risque biologique accomplit son Å“uvre macabre. Les organismes sont harassés par quatre années de guerre dans des conditions de vie extrêmes. Pierre CHEVILLON, du 306è Régiment d'Artillerie Lourde, en paie le prix fort. Tombé malade (« Ã©ruption suspecte Â»?)au cours du mois de mars, soigné sur Cherbourg, il décède le 29 août à l'ambulance 6/10 de Thoix dans la Somme, au sud-ouest d'Amiens.

On peut lire dans l'Historique de régiment que « les nuits sont fraîches en mars ; nous l'apprenons à nos dépens; car tout le monde se réveille transi de froid Â». L'artilleur Pierre GAILLARD, bédéen lui aussi, incorporé au sein du 26è Régiment d'Artillerie de Campagne (RAC) décède également de maladie deux mois plus tard, le 29 octobre à l'hôpital complémentaire N°54 de Châlons-en- Champagne. Triste ironie du sort, Pierre GAILLARD, mobilisé parmi les premiers, le 3 août 1914, traverse sans blessures les quatre années de guerre et décède moins de deux semaines avant la fin du conflit d'une maladie...

 

 

Quoiqu'il en soit malgré les terribles maladies et l'irruption de la terrible grippe espagnole à partir du printemps, les offensives alliées se poursuivent et les Allemands reculent. Devant « poursuivre l'ennemi sans relâche Â», le 3è RI qui a dépassé Soissons, se heurte à une poche de résistance allemande le 3 septembre à hauteur du village de Clamecy. Au cours des combats, 19 soldats français sont tués dont le jeune bédéen, Louis LEGAULT, 21 ans. On trouve encore mention de deux cas d'intoxiqués. Clamecy est pris le lendemain avec à la clé 160 prisonniers allemands et 114 autres le 05 septembre. Les Allemands fléchissent. La situation paraît mûre pour une offensive générale.

 

Ainsi, à la mi-septembre, Foch prend la décision de lancer une offensive d'envergure sur l'ensemble du front. Elle est déclenchée entre le 25 et le 29 septembre et même si les Allemands battent en retraite, ils s'acharnent à résister. « Ludendorff laisse derrière lui table rase. Au 1er octobre, Pétain a perdu 270 000 hommes depuis le 8 août, beaucoup plus que Nivelle au Chemin des Dames Â» (Pierre Miquel Les Poilus).

Deux bédéens tombent pour la France dans ces offensives. Le premier d'entre eux, le chasseur à pied Joseph LIMOU, du 25è bataillon, est mortellement gazé le 25, suite à un bombardement de l'aviation ennemie au nord-ouest de Soissons. Pas de doute, on est bien ici dans une guerre d'un type nouveau. On combine les innovations de la Révolution Industrielle avec l'avion et la chimie.

Joseph LIMOU, incorporé en décembre 1914, a maintes fois auparavant offert sa vie à la Nation : bléssé à plusieurs reprises, il a été l'objet des citations suivantes : « très bon chasseur, a montré le 23 mars 1916, le plus grand sang-froid pendant un violent bombardement ; le 18 août 1918, « chasseur d'un courage exemplaire, volontaire pour les missions périlleuses, a montré pendant les journées du 5 au 6 août un mépris absolu du danger Â». Le JMO revient sur les circonstances de ce coup d'éclat : nous sommes sur les rives de la Vesle, à l'ouest de Soissons. Les Alliés sont à l'offensive mais les Allemands s'arc-boutent sur leurs positions ; le 5 août, l'artillerie allemande détruit les passerelles installées par le Génie et interdisent ainsi le franchissement de la rivière aux Français. La 5è Cie de Joseph LIMOU intervient alors : « Le lieutenant Deleuze qui commande la 5è Cie, n'hésite pas. Il fait franchir à gué la Vesle dont la profondeur atteint près de 1,50m [ rappelons que nos poilus dépassent rarement 1,65m de taille], et après une progression très lente et sanglante, réussit à s'établir face à la ferme du Parc... Â» LIMOU disparaît lors de cette journée; il recevra la Croix de Guerre avec étoile d'argent, étoile de bronze.

 

Le second bédéen, Léon BOISGERAULT du 415è RI, est tué le 29 septembre lors d'un assaut sur le Mont-sans-Nom, à 30kms à l'est de Reims. L'un de ses camarades régimentaires, Augustin Trébuchon, rentre tristement dans l'Histoire, deux mois plus tard, en étant tué le 11 novembre 1918, quelques minutes avant le cessez-le-feu, devenant ainsi officiellement le dernier mort au combat français de la Première Guerre Mondiale.

 

Néanmoins avant d'en arriver à cette date ultime, en septembre 1918, la guerre est encore loin d'être terminée. L'assaut général lancé par Foch a un succès inégal car « ces derniers combats destinés de part et d'autre à prendre des positions favorables pour la discussion de la paix, sont parmi les plus meurtiers de la la guerre, ils sont implacables Â» (Pierre Miquel). On relance l'offensive en tentant de déjouer tous les pièges tendus par Ludendorff. Le 21è Régiment d'Infanterie Coloniale de Joseph TOSTIVINT reçoit ainsi l'ordre d'attaquer à nouveau le village de Bazancourt (à une vingtaine de kilomètres au Nord de Reims) résistant toujours aux assauts français. Il faut six jours d'intenses combats et plus de 600 morts du côté français pour conquérir entièrement la localité et la libérer ainsi de quatre années d'occupation. Louis TOSTIVINT est tué à l'ennemi ce 8 octobre 1918 lors de cette journée infernale. Le Livre d'or du régiment explicite le contexte de ce jour dramatique : le 7, le village est reconquis mais les Allemands ne se résignent pas. Entre 5h et 8h du matin, le 21è doit repousser deux vagues d'assaut et « Bazancourt est soumis à un tir d'anéantissement ; en même temps, nos arrières subissent un très dur marmitage et Reims est pris à partie par l'artillerie lourde â€¦ Puis dans la soirée... une 3è contre-attaque tente de nous rejeter Â». Au soir, Louis TOSTIVINT, « soldat dévoué et brave Â» n'est plus. C'est seulement le 11 et après 7 assauts allemands repoussés que le 21è exténué commence à respirer.

Les Allemands continueront de s'accrocher mais le dénouement du premier conflit mondial est proche.

 

 

 

 

 

 

                                                                                                   Jade , Valentin &  Antoine

bottom of page