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FLEURY, village martyr des Bédéens

Fleury est un petit village de 400 âmes situé à 7km au N/O de Verdun, non loin de Douaumont. Il occupe une position stratégique après la perte de Douaumont en février et du fort de Vaux le 7 juin. Le 21 février, lorsque les Allemands bombardent sans répit les positions françaises (1 M d'obus en quelques heures), le village est évacué. Il est transformé en champ de ruines en mai mais représente le dernier obstacle avant Verdun pour les Allemands.

 

Les Français ont mis toute leur énergie à fortifier le secteur en prenant appui sur les caves des anciennes habitations. C'est donc un lieu clé de la bataille de Verdun : entre juin et août, il change de mains 16 fois !

A Bédée, le tocsin retentit d'abord en mémoire de Félix CHILOU du 124è RI : parti aux armées en juin 1915, il a survécu à la terrible offensive de Champagne de l'automne. Le 8 mai 1916, « le régiment se met en route pour être jeté dans l'enfer de Verdun...C'est une région de mort... des cadavres, hommes en bouillie, chevaux jambes en l'air, entrailles dehors, gisent de toutes parts [ secteur du fort de Vaux] »(Historique 124è RI).

Le régiment perdra plus de 1000 hommes à Verdun. Après la prise du fort de Douaumont le 25 février, les Allemands en font un objectif de premier ordre.

Le 124è participe à sa défense entre le 1er et le 7 juin, jour du décès de Félix Chilou. Depuis plusieurs jours déjà, les affrontements sont intenses à quelques centaines de mètres du fort de Vaux ; le 124è est engagé dans le secteur de la tranchée de Fumin, « point le plus martelé par l'artillerie ennemie » ; encore une fois, l'artillerie française est prise en défaut : trop souvent, elle tire sur ses propres lignes ! En face, les Allemands peuvent tirer sur le fort jusqu'à 8000 obus par jour sur le fort. Le découragement gagne les troupes ; les soldats peinent à encaisser les incessants bombardements et l'horreur est quotidienne.

 

Le 1er juin, 60 000 fantassins allemands se lancent à l'assaut du fort ; c'est le début de la 3è grande offensive allemande depuis le 21 février ; le 124è, toujours retranché dans le bois de Fumin, est surpris par les bombardements allemands ; le 2 juin, l'ennemi prend pied dans le bois; plusieurs contre-attaque sont lancées mais arrêtées net par des « feux violents de mitrailleuses » ; les pertes sont « très sensibles » Félix CHILOU est resté en arrière, dans la tranchée, avec sa compagnie, mais il est grièvement blessé par un éclat d'obus au cou. Il est évacué sur un hôpital de campagne. Il meurt des suites de ses blessures le 8 juin. Son bataillon a perdu dans ces combats le 1/3 de ses effectifs.

Les survivants ? « plutôt des mourants tant leurs traits sont tirés et leurs figures jaunies. La soif les dévore, ils n'ont même pas la force de parler. Je leur dis que ce soir nous serons sans doute relevés. La plupart les laisse quasi indifférents, leur désir est d'avoir un quart d'eau » rapporte un coureur (P. Miquel).

 

Entre temps, le fort de Vaux, à quelques kilomètres de Fleury, peine à résister. « L'atmosphère polluée par les gaz, la poussière, la fumée de la poudre était irrespirable. Les lampes s'éteignaient d'elles-mêmes faute d'oxygène. Les assiégés n'avaient d'autre chance de survie que l'arrivée des renforts »(P. Miquel). C'est chose faite le 6 juin, avec l'arrivée de Théodore TEXIER et du 1er RIC sur Houdainville. Sa mission : « le dégagement du fort de Vaux » : TEXIER se prépare à l'attaque : « les bataillons touchent des grenades, des fusées, des feux de bengale signaux ainsi qu'un second bidon de 2 litres et une 2è musette par homme. Les cartouches sont complétées à 200 et les vivres à 4 jours par homme Â» (JMO). Après les reconnaissances du terrain, les hommes entament leur « marche d'approche » ; « la pluie et le terrain détrempé gênent considérablement le mouvement » ; 10 minutes avant l'assaut, la situation n'est pas idéale : plusieurs compagnies se sont égarées! Les Allemands, en pleine nuit, à la surprise générale, sont à l'attaque ; « un radio allemand a du reste fait savoir que les défenseurs du fort avaient été obligés de capituler » (JMO). On décide quand même d'attaquer à partir de 4h30 : les compagnies atteignent péniblement les fossés du fort mais ne peuvent s'y maintenir.

Le bilan de la journée est lourd : 89 tués, 279 blessés et 111 disparus. A la lecture du JMO, on reste consterné par l'impréparation du régiment : des compagnies absentes ou qui « ne sont pas prêtes » et pas de soutien de l'artillerie. On aménage des tranchées « en reliant entre eux les trous d'obus » ; le lendemain, alors que ces travaux se poursuivent, « le bombardement est très violent et continue toute la journée et toute la nuit » (JMO). Théodore TEXIER, grièvement blessé est évacué ; il meurt à l'hôpital de Révigny d' « une plaie à la tempe » et d'un « enfoncement du crâne » (RM).

 

Les Allemands progressent encore et ne sont plus qu'à quelques kilomètres de Verdun. FRANCOIS JOUET et le 132è RI tentent de les contenir. Le Bédéen a déjà combattu lors de la 2è bataille de Champagne à l'automne 1915. Il est même blessé au thorax le 12 octobre. La noria s'organise à Verdun via la route départementale rebaptisée La Voie Sacrée, et son régiment est envoyé à Verdun en juin 1916. Il a pour mission de « tenir les ravins boisés » à proximité du fort de Vaux. On renforce le réseau de tranchées et on travaille au maintien de la liaison téléphonique avec le PC « au prix de pertes sérieuses ».

François JOUET tombe ce jour. Un éclat d'obus lui perfore l'abdomen. Il succombe le lendemain à l'ambulance 3/18 à Dugny.

 

 

27 JUIN : FLEURY, HISTOIRE D'UN FIASCO

 

Les Allemands continuent de progresser ; ils ne sont plus qu'à 3kms de Verdun ; après un bombardement au phosgène le 18 juin, ils attaquent le secteur de Fleury ; le village déjà réduit en poussières, tombe le 23 tout comme le fort de Thiaumont. Fleury changera 16 fois de mains entre juin et août ! Nivelle a remplacé Pétain (promu) et n'hésite pas à faire fusiller les « traîtres ». Le 27 juin, 3 de Bédée du 41è RI meurent lors d'une contre-attaque sur le village : le caporal AUGUSTIN COLLET et les deux soldats PIERRE-MARIE IGER et PIERRE ANDRÉ.

L'attaque est lancée à 4h30 « dans le plus bel ordre »(JMO) ; mais les vagues d'attaque sont stoppées par les Allemands. Les soldats sont fauchés par « le feu des mitailleuses allemandes abritées dans le village » et les tirs d'artillerie ; on parvient quand même à prendre pied dans les ruines de Fleury : commence « la guerre de rue avec toutes ses surprises » : « de toutes les ruines partent des coups de feu de mitrailleuses, de mousqueterie et des grenades ». Une compagnie est « littéralement fauchée» ; une autre perd en quelques minutes « ses 3 officiers et le ¼ de son effectif » (JMO)... Et il n'est que 7h du matin ! Cependant le régiment conserve une partie des positions gagnées jusqu'à la 2è offensive prévue à 13h45.... à condition de pouvoir compter avant tout sur le feu efficace de l'artillerie.... Il a bien lieu mais touche surtout la 1ère ligne du 41è! Le JMO parle de « bombardement démoralisant » qui cause des « ravages épouvantables » et contraint les poilus à abandonner leurs positions ! Une occasion en or pour les Allemands qui entament une contre-attaque. « La situation est extrêmement critique » ; cependant dans un sursaut presque suicidaire, les débris du 41è parviennent à préserver « l'inviolabilité du front primitif ». Plus de 400 hommes sont morts ce jour.

Le JMO ne mâche pas ses mots à l'heure du bilan de l'offensive : « la cause unique de son échec est l'insuffisance de la préparation d'artillerie sur le village ; les officiers d'infanterie qui en furent témoins la déclarent NULLE... C'est notre artillerie... qui nous chasse de notre 1ère ligne avancée en achevant de décimer les compagnies qui l'occupent... Rien n'y fait : c'est à désespérer ». « Si nos Bretons ont montré … un calme, un sang-froid et une tenacité auxquels nous sommes redevables » (JMO), il n'en reste pas moins qu'il est peu probable que les familles aient été informés de la manière dont sont tombés leurs fils. IGER, COLLET, ANDRE, lequel, lesquels ont été tués par l'artillerie française ???

 

Sans compter qu' en ce mois de juin, Nivelle qui remplace un Pétain promu, n'hésite pas à faire « fusiller pour l'exemple » …. Sur le plan militaire, il faudra attendre la 18 août pour que le village de Fleury soit définitivement repris.

 

                                                                                                                              Kimberley, Romy

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