top of page

"Les combats de Géants"

 

 

 

Depuis l’automne 1914, les Allemands contrôlent les rares hauteurs du nord de la Marne , au Nord-Est de Reims, appelés les Monts de Champagne ou massif de Moronvilliers : Mont Cornillet (206 m), Mont Blond (211 m), Mont Haut (257 m), Mont Perthois (232 m), le Casque (246 m), le Téton (237 m), Mont Sans-Nom (210 m) ; ils ont pris le temps de consolider leurs positions sur un secteur stratégique offrant une vue imprenable sur les lignes françaises ; des galeries souterraines ont été creusées et permettent de mettre à l'abri jusqu'à un bataillon.

 

En 1917, Nivelle inclut dans sa stratégie offensive la nécessité de reprendre le massif crayeux de Moronvilliers et sa ligne de fortifications. La bataille des Monts est donc le prolongement oriental du Chemin des Dames.

Cinq poilus de Bédée tombent dans cette "Bataille des Géants", entre le 17 avril et le 20 mai 1917.

L'attaque est prévue en deux mouvements : une attaque massive frontale et une attaque secondaire sur le secteur d'Aubérive.

 

Le 17 avril, l'offensive est lancée : l'artillerie française n'a eu de cesse de pilonner les positions allemandes depuis une semaine ; au petit matin, les troupes se portent à l'assaut des lignes allemandes.

Le 2è régiment de zouaves de ALBERT SAGET est du premier mouvement, celui de l'attaque frontale ; l'Historique du Régiment raconte avec toujours, une pointe d'enthousiasme : « La tâche du régiment était dure ; ses positions de départ étaient placées dans un bas-fond, adossées à un canal dont l'ennemi pouvait facilement interdire la traversée ; le secteur entier était dominé par le Mont Spin, nid formidable d'observatoires, d'abris et de mitrailleuses. Mais jamais l'entrain et l'ardeur n'avaient atteint un aussi haut degré tous étaient convaincus que c'était là la bataille décisive qui allait rejeter de France l'Allemand maudit et c'est en chantant que, dans la nuit du 15 au 16 avril, les zouaves allèrent occuper leurs positions de départ ». A 6h du matin, Albert SAGET part à l'assaut des lignes allemandes et se heurte d'emblée aux tirs des mitrailleuses allemandes ; les pertes sont énormes mais Albert SAGET atteint le pied du Mont Spin. Il doit maintenant, avec les siens, enlever les tranchées et les fortins. On progresse « à la grenade dans les boyaux » ; on « nettoie les abris souterrains de leurs derniers défenseurs » explique l'Historique. En dépit de ces coups d'éclats, le régiment ne parvient pas complètement à se maintenir... Il manque le Journal de Marche et Opérations (JMO) pour suivre Albert SAGET le jour de sa mort, ; mais déjà, la veille au soir, il apparaît comme un miraculé en sursit. Il s'écroule le lendemain à 13h, mortellement touché. Le 20, les troupes françaises parviennent à prendre pied sur les hauteurs; on vient de progresser de 2000 mètres par rapport au point de départ.

 

LEON GERARD et le 41è Régiment d'Infanterie montent en première ligne le 20 ; il doit relever le régiment de zouaves de feu Albert SAGET; « l'opération de la relève fut longue et pénible à cause de l'insuffisance des guides. Des hommes sont égarés ; des fractions sont prises sous les feux de barrage » signale le JMO. Nous sommes sur le Mont Haut. le régiment peine à s'installer, toujours pris sous le feu ennemi. Le 22, les Allemands contre-attaquent : « l'ennemi réussit à pénétrer dans nos lignes ; des éléments ennemis arrivent à parvenir jusqu'à 150 mètres de la crête » ; le 41è résiste et réussit même à contre-attaquer. Léon GERARD est sévèrement touché à la tête ; il est évacué du front et décède le lendemain dans l'ambulance militaire 7/17 à Mourmelon Le Petit.

 

PIERRE RESCAN participe aussi au Combat des Géants ; il appartient au 75è Régiment d'Infanterie Territoriale ; en ce mois d'avril, il vient de perdre deux de ses camarades de régimes, originaires comme lui de Bédée, Jean Vauléon et Noël Garnier (voir page « A l'Ouest...) ; avec son régiment, il prend part au deuxième mouvement de l'offensive générale, à savoir l'attaque sur Aubérive. Nous sommes le 19 avril ; par crainte d'un encerclement, les Allemands évacuent le village le 22. Le 75 RIT poursuit son attaque, enlève un fortin stratégique à la grenade et au fusil-mitrailleur. On loue « l'esprit de sacrifice » des hommes de la 10è Compagnie de Pierre RESCAN. C'est sans doute lors de ces combats que tombe notre Bédéen car le régiment est relevé le 24 et Pierre meurt le 26, lui aussi dans une ambulance militaire (7/22) au Mont Frenet.

Le massif de Moronvilliers est cruel pour les poilus. FELIX LEGAULT, du 14è Régiment d'Infanterie partagera le sort de ces camarades de Bédée ; il avait pourtant échappé à la mort en contractant une méningite en 1915, mais ce n'est pas pour autant qu'il ait été démobilisé. En ce mois d'avril, le 14è vient relever un régiment en poste sur le Mont-Haut, hauteur crayeuse fraîchement conquise ; Félix LEGAULT et son 3è bataillon remplacent des tirailleurs et  reçoivent l'ordre de pousser plus loin leur avantage en attaquant le Mont Perthois. « Cette organisation esr un fouillis de tranchées, blockaus, réduits, abris, naturellement camouflés par les sapins abattus par l'artillerie, par la teinte grise de la Champagne » explique l'Historique. Les allemands ont même aménagé des abris qui s'étendent sous le plateau (« Fosse Froide »)« avec de nombreux orifices d'entrée et de sortie » permettant l'installation de mitrailleuses et de contre-attaquer. La mission est donc périlleuse pour les trois bataillons du 14è. Félix LEGAULT perd la vie le premier jour de l'offensive.

Nous sommes le 30. A partir de 6h30, l'artillerie commence à « assomer » les lignes allemandes situées à 200 mètres seulement. Le 3è bataillon de Félix a pour mission de s'emparer de la crête de la Fosse Froide et d'un tunnel ; à 12h40, « nos fantassins sautent sur le parapet et bondissent à travers le terrain labouré d'obus. Les mitrailleuses ennemies commencent à crépiter, mais les sifflements de leurs balles, les projectiles qui pleuvent, les hommes qui trébuchent et tombent, rien n'arrête l'élan magnifique de nos soldats. Une seule volonté les mène : vaincre » s'exclame l'Historique. Le bataillon de Félix LEGAULT remplit son objectif en prenant la crête et commence à descendre dans la Fosse vers un tunnel. « Au cours de ces actions, de nombreux actes de courage ont pu être notés à l'actif des chefs et des soldats » se félicite le JMO. Mais au soir du 30, Félix LEGAULT n'est plus. « Noble sacrifice » pour le commandement...

 

Une semaine plus tard, LOUIS ARGENTAIS est « tué à l'ennemi » dans le même secteur, le Mort-Homme, le bien nommé ! Il appartient au 241è Régiment d'Infanterie, régiment de réserve du 41è RI de Rennes et a participé à la prise du Mont Haut et du Casque. Il tombe le 5 mai, « journée assez calme » jusqu'à 16h... Louis ARGENTAIS est mortellement blessé à 18h. Sur cette intervalle de deux heures, le JMO note un bombardement d'une « extrême violence » ; « obus de tous calibres et quelques obus à gaz ». Notre fantassin est tué avec neuf autres hommes ce jour. Il faut attendre le 20 mai pour que les Français prennent un avantage décisif sur les Allemands dans ce secteur avec la prise du Mont Cornillet. Le succès de l'opération repose largement sur les deux canons de 400mm installés à 30 km mais terriblement dévastateurs ; 36 obus pesant 900kgs vont s'abattre sur les abris allemands et répandre la terreur et la mort. Les fantassins mettrons ensuite moins de trente minutes pour se rendre maîtres de la crête. A l'intérieur des galeries, des empilements de cadavres... et seulement deux survivants allemands.

 

bottom of page